Introduction
Ce
manuscrit, dont l’unité thématique est la vie religieuse, a été écrit au
début du XVe
siècle aux environs de Moissac (chef-de-lieu du canton de
Tarn-et-Garonne), très probablement à l’abbaye qui date du XIIe
siècle et fut restauré au XVe.
Cette abbaye a une longue tradition d’érudition et un de ses abbés était
l’écrivain savant et prolifique, Aymeric de Peyrac (c. 1340-1406).[1] En plus, l’abbaye possédait une bibliothèque considérable et, ce qui est
plus important, un scriptorium.[2] Pourtant nulle preuve n’existe que le clerc qui écrivit notre manuscrit
appartenait à cette abbaye et Aymeric écrivit exclusivement en latin comme
la plupart de ses collègues.
Le
manuscrit est écrit sur papier in-4o (212 mm. sur 142) et l’ensemble est
composé de 139 feuillets. Brunel fait remarquer que la reliure a été
renouvelée au XVIe siècle et
encore au XVIIIe
siècle, et cette couverture actuelle est exécutée en maroquin rouge. Il
contient douze œuvres religieuses, couvrant un propos des règles de
l’ordre bénédictin jusqu’à une liste des livres de la Vulgate. Il est bien
possible de dire que quelques-unes, si non toutes, avaient été traduites
du latin. Trois, évidemment composés par le même auteur, sont l’ouvrage
d’un chapelain qui explique certains aspects de la foi catholique à sa
patronne, dame bien-née (qu’il adresse comme Dama). On se souvient
du manuscrit Egerton 945 de la British Library que Geneviève Hasenohr[3]
a qualifié de livre de chevet d’une veuve éprise de perfection. La seule
différence, c’est que celui-ci est écrit en trois langues – latin,
français et occitan – et le contenu est souvent emprunté à la
Somme le Roi.
Paul
Meyer, tout d’abord, identifia l’écriture très soignée comme venant de la
fin du XVe siècle. La
numérotation date du XIXe
siècle.
Il est très difficile de décider si les traités contenus dans le manuscrit
sont des originaux ou traduits du latin. Le manuscrit n’est pas tellement
éprouvant pour un éditeur, et Meyer l’a traité d’un modicum de mépris:
Ces
traités étant maintenant signalés à l’attention, il se trouvera bien
quelque amateur en quête d’une publication facile pour les éditer en
totalité ou en partie dans une revue du Midi ou d’Allemagne. Ce sera
l’occasion d’une étude linguistique développée.[4]
Mais, ayant lu le traité
sur le Décalogue, il a changé d’avis et il constate que c’est cette
section, où il s’agit des superstitions, qui l’a amené a
considérer
le manuscrit entier. Les éditeurs actuels ne sont pas non plus d’accord
avec Meyer et trouvent que la plus grande partie de ces traités est
intéressante et même valable. Il est à noter que les folios 14v, 18r/v,
32v et 103v restent blancs pour séparer les traités individuels. Dû à une
confusion dans l’ordre dans le traité des commandements, le huitième
commandement se trouve au f. 70 r-v, et le texte insère le neuvième au f.
68r.
On aura recours à l’œuvre de
Paul Meyer,[5]
qui identifia ces opuscules comme étant de provenance rouergate. L’une des
particularités remarquables consiste en l’échange de la voyelle o
contre l’a tonique latin suivi d’un n: par exemple limo,
mo (main), po (pain). Malheureusement, le copiste n’est pas
stricte, et l’on trouve les deux orthographes, l’endemo /
l’endema dans la même section. Le scribe se trouvait face à deux
scripta, l’orthographe selon le manuscrit qu’il copiait et, plus
souvent, suivant son propre dialecte. On remarque encore beaucoup de
locutions françaises, car le français avait déjà commencé à influencer
l’occitan; par exemple, le négatif devient no/non…pas, des verbes
sont empruntés: quaquata, rejoyr, no m’en chaut et
des expressions telles asses, la bonne chère, charmayres, et
Noe (Noël). Une des terminaisons rouergates est -iou pour
-ion: affectiou, occasiou, temptaciou, qui est le suffixe le
plus commun dans ce manuscrit et le e d’appui est omis devant
sc, sp et st: scalfa, sperit, stelas. D’autres détails
linguistiques se trouvent chez Meyer: 104-107.
Les trois
signatures qu’on trouve au dernier feuillet sont évidemment du XVIe
siècle (les dates en écriture sont 1536, 1577 et 158?) et appartiennent
aux possesseurs du manuscrit: Arnaud (presbiter) et Barbasta/Barbansta, et
plus tard il est passé dans les mains
de Colbert (no. 4297, fonds
Colbert). Brunel découvrit une autre signature dans la marge intérieure:
David de la Roche presbiter. Au verso du fol. 18v, resté blanc, on trouve
une autre phrase écrite au XVIe
siècle: “Memorye soye de sauterys de careme pahyat tres anes”. La
transition de la bibliothèque de Colbert à celle du roi est aussi
indiquée: “Codex Colbertinus 4297” et “Regius 7872”.
BIBLIOGRAPHY
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et moines dans la sphère courtoise (XIIe-XIIIe
siècles), Cahiers de Fanjeaux, 35: 127-136.
ARVEILLER & GOUIRAN 1987] R.
Arveiller & G. Gouiran, L’Oeuvre poétique de Falquet de Romans
troubadour:
édition critique, traduction et notes,
Aix-en-Provence.
BRUNEL 1917] Clovis Brunel,
“Opuscules provençaux du XV siècle sur la Confession,”
Annales du Midi, 29, 175-224 (“Traité des Dix Commandements”
355-372).
DEANESLY 1928] M. Deanesly, A
History of the Medieval Church, 2e éd., London, 1928.
DUFOUR 1972] J. Dufour, La
bibliothèque et le scriptorium de Moissac, Paris-Genève.
HASENOHR 2000] G. Hasenohr, “Un
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Cahiers de Fanjeaux, 35.
HASENOHR & ZINK 1992] Geneviève
Hasenohr & Michel Zink, Dictionnaire des Lettres françaises:
Le moyen âge, nouvelle éd., Paris.
FARMER 2003] David Hugh Farmer
(éd.), The Oxford Dictionary of Saints, 5e éd.,
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HERSHON 2005] C. P. Hershon, “How to
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LR]
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roman, ou Dictionnaire de la langue des troubadours, 6 vol.,
réimpression, Paris, 1836-1845.
MEYER 1890] Paul Meyer, “Notice du
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religieux en rouergat,” Bulletin de la Société des Anciens Textes
français, t. 16, 75-107.
MIRONNEAU 2000] Paul Mironneau,
“Éloge de la curiosité: Aymeric de Peyrac (vers 1340-1406).”
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SW] Provenzalisches Supplementwörterbuch.
Berichtigungen und Ergänzungen zu Raynouards Lexique Roman. 8 vol.
Leipzig, 1892-1924.
VORAGINE 1967] Jacques de Voragine,
La Légende dorée, trad. J.-B. M. Roze, deux volumes, Paris.
Rialto 12.ii.2013. |
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