Rialto

Prosa religiosa

 

Cyril P. Hershon & Peter T. Ricketts

Confession et Salut

Édition critique du Ms. Paris BnF fr. 1852

   

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Introduction

 

 

Ce manuscrit, dont l’unité thématique est la vie religieuse, a été écrit au début du XVe siècle aux environs de Moissac (chef-de-lieu du canton de Tarn-et-Garonne), très probablement à l’abbaye qui date du XIIe siècle et fut restauré au XVe. Cette abbaye a une longue tradition d’érudition et un de ses abbés était l’écrivain savant et prolifique, Aymeric de Peyrac (c. 1340-1406).[1] En plus, l’abbaye possédait une bibliothèque considérable et, ce qui est plus important, un scriptorium.[2] Pourtant nulle preuve n’existe que le clerc qui écrivit notre manuscrit appartenait à cette abbaye et Aymeric écrivit exclusivement en latin comme la plupart de ses collègues.

Le manuscrit est écrit sur papier in-4o (212 mm. sur 142) et l’ensemble est composé de 139 feuillets. Brunel fait remarquer que la reliure a été renouvelée au XVIe siècle et encore au XVIIIe siècle, et cette couverture actuelle est exécutée en maroquin rouge. Il contient douze œuvres religieuses, couvrant un propos des règles de l’ordre bénédictin jusqu’à une liste des livres de la Vulgate. Il est bien possible de dire que quelques-unes, si non toutes, avaient été traduites du latin. Trois, évidemment composés par le même auteur, sont l’ouvrage d’un chapelain qui explique certains aspects de la foi catholique à sa patronne, dame bien-née (qu’il adresse comme Dama). On se souvient du manuscrit Egerton 945 de la British Library que Geneviève Hasenohr[3] a qualifié de livre de chevet d’une veuve éprise de perfection. La seule différence, c’est que celui-ci est écrit en trois langues – latin, français et occitan – et le contenu est souvent emprunté à la Somme le Roi.

Paul Meyer, tout d’abord, identifia l’écriture très soignée comme venant de la fin du XVe siècle. La numérotation date du XIXe siècle. Il est très difficile de décider si les traités contenus dans le manuscrit sont des originaux ou traduits du latin. Le manuscrit n’est pas tellement éprouvant pour un éditeur, et Meyer l’a traité d’un modicum de mépris:

 

Ces traités étant maintenant signalés à l’attention, il se trouvera bien quelque amateur en quête d’une publication facile pour les éditer en totalité ou en partie dans une revue du Midi ou d’Allemagne. Ce sera l’occasion d’une étude linguistique développée.[4]

 

Mais, ayant lu le traité sur le Décalogue, il a changé d’avis et il constate que c’est cette section, où il s’agit des superstitions, qui l’a amené a considérer le manuscrit entier. Les éditeurs actuels ne sont pas non plus d’accord avec Meyer et trouvent que la plus grande  partie de ces traités est intéressante et même valable. Il est à noter que les folios 14v, 18r/v, 32v et 103v restent blancs pour séparer les traités individuels. Dû à une confusion dans l’ordre dans le traité des commandements, le huitième commandement se trouve au f. 70 r-v, et le texte insère le neuvième au f. 68r.

On aura recours à l’œuvre de Paul Meyer,[5] qui identifia ces opuscules comme étant de provenance rouergate. L’une des particularités remarquables consiste en l’échange de la voyelle o contre l’a tonique latin suivi d’un n: par exemple limo, mo (main), po (pain). Malheureusement, le copiste n’est pas stricte, et l’on trouve les deux orthographes, l’endemo / l’endema dans la même section. Le scribe se trouvait face à deux scripta, l’orthographe selon le manuscrit qu’il copiait et, plus souvent, suivant son propre dialecte. On remarque encore beaucoup de locutions françaises, car le français avait déjà commencé à influencer l’occitan; par exemple, le négatif devient no/non…pas, des verbes sont empruntés: quaquata, rejoyr, no m’en chaut et des expressions telles asses, la bonne chère, charmayres, et Noe (Noël). Une des terminaisons rouergates est -iou pour -ion: affectiou, occasiou, temptaciou, qui est le suffixe le plus commun dans ce manuscrit et le e d’appui est omis devant sc, sp et st: scalfa, sperit, stelas. D’autres détails linguistiques se trouvent chez Meyer: 104-107.

Les trois signatures qu’on trouve au dernier feuillet sont évidemment  du XVIe siècle (les dates en écriture sont 1536, 1577 et 158?) et appartiennent aux possesseurs du manuscrit: Arnaud (presbiter) et Barbasta/Barbansta, et plus tard il est passé dans les mains de Colbert (no. 4297, fonds Colbert). Brunel découvrit une autre signature dans la marge intérieure: David de la Roche presbiter. Au verso du fol. 18v, resté blanc, on trouve une autre phrase écrite au XVIe siècle: “Memorye soye de sauterys de careme pahyat tres anes”. La transition de la bibliothèque de Colbert à celle du roi est aussi indiquée: “Codex Colbertinus 4297” et “Regius 7872”.

 

[1] Voir MIRONNEAU 2000.

[2] Voir DUFOUR 1972, 81-82.

[3]  Voir HASENOHR 2000, 220.

[4]  MEYER 1890, 105.

[5] Voir sa Notice: MEYER 1890.

 

 

 

BIBLIOGRAPHY

 

AMADO 2000] Claudie Amado, “Clercs et moines dans la sphère courtoise (XIIe-XIIIe siècles), Cahiers de Fanjeaux, 35: 127-136.

ARVEILLER & GOUIRAN 1987] R. Arveiller & G. Gouiran, L’Oeuvre poétique de Falquet de Romans troubadour: édition critique, traduction et notes, Aix-en-Provence.

BRUNEL 1917] Clovis Brunel, “Opuscules provençaux du XV siècle sur la Confession,” Annales du Midi, 29, 175-224 (“Traité des Dix Commandements”  355-372).

DEANESLY 1928] M. Deanesly, A History of the Medieval Church, 2e éd., London, 1928.

DUFOUR 1972] J. Dufour, La bibliothèque et le scriptorium de Moissac, Paris-Genève.

HASENOHR 2000] G. Hasenohr, “Un Donat de dévotion en langue d’oc du XIII siècle,” Cahiers de Fanjeaux, 35.

HASENOHR & ZINK 1992] Geneviève Hasenohr & Michel Zink, Dictionnaire des Lettres françaises: Le moyen âge, nouvelle éd., Paris.

FARMER 2003] David Hugh Farmer (éd.), The Oxford Dictionary of Saints, 5e éd., Oxford.

HERSHON 2005] C. P. Hershon, “How to gain Salvation (Bib.Nat., fr. 1852)”, Romance Philology, vol. 58, 203-223.

LEVY 1973] Emil Levy, Petit Dictionnaire provençal-français, Heidelberg.

LR] F.-J. M. Raynouard, Lexique roman, ou Dictionnaire de la langue des troubadours, 6 vol., réimpression, Paris, 1836-1845.

MEYER 1890] Paul Meyer, “Notice du MS. Fr. 1852 de la Bibliothèque Nationale, contenant divers opuscules religieux en rouergat,” Bulletin de la Société des Anciens Textes français, t. 16, 75-107.

MIRONNEAU 2000] Paul Mironneau, “Éloge de la curiosité: Aymeric de Peyrac (vers 1340-1406).” Cahiers de Fanjeaux, 35, 149-183.

SW] Provenzalisches Supplementwörterbuch. Berichtigungen und Ergänzungen zu Raynouards Lexique Roman. 8 vol. Leipzig, 1892-1924.

VORAGINE 1967] Jacques de Voragine, La Légende dorée, trad. J.-B. M. Roze, deux volumes, Paris.

 


Rialto 12.ii.2013.